Les
maladies de la vigne
Si la culture de la vigne
demande autant de temps et d'abnégation, c'est que
cette plante semble prendre plaisir à accumuler les
maladies les plus diverses et les plus imprévues.
Insectes et champignons ont provoqué des ravages
souvent considérables, et chaque fois il a fallu
trouver l'antidote, après avoir perdu plusieurs
récoltes : oïdium, phylloxéra, mildiou ne
sont que les plus connus des innombrables dangers qui
menacent le vignoble et exigent un traitement
préventif énergique.
L'oïdium, dont
la première apparition en France remonte à
1847, est une maladie causée par un champignon,
l'Erisyphe Tuckeri, qui attaque tous les organes verts de la
vigne : les raisins atteints deviennent grisâtres,
enfarinés, puis noirâtres, tout comme les
feuilles. Si l'attaque a lieu sur les grappes au moment de
la floraison, les petits grains se dessèchent et
tombent ; si elle a lieu lorsque les grains sont plus gros,
ceux-ci se fendillent et la pulpe se décompose peu
à peu sous l'effet des bactéries et des
moisissures. La maladie s'arrête au moment de la
véraison, c'est-à-dire quand les grains
perdent leur coloration verte et commencent à
mûrir.
Ce champignon se
développe surtout lorsque l'atmosphère est
chaude et humide, par temps couvert. Dès le XIXe
siècle, on s'est aperçu que le soufre en
poudre était le meilleur remède à
employer contre lui à titre préventif. Sauf en
cas d'invasion intense, deux soufrages suffisent dans
l'année, mais ils doivent être faits à
des moments assez précis : le premier lorsque les
pousses ont entre 7 et 10 centimètres de longueur, le
second se faisant traditionnellement pour la
Saint-Jean.
Les instruments
employés pour le soufrage furent d'abord de petits
soufflets ou des soufrettes (sofreres) reposant sur le
même principe : le soufre est mis dans le compartiment
supérieur d'une boîte en fer-blanc ; il passe
à travers une toile métallique et se trouve
expulsé au dehors par le courant d'air ou le
mouvement d'agitation qui traverse la boîte. Ces
boîtes étaient de faible contenance, et le
viticulteur devait les remplir souvent : à cet effet,
il portait sur lui un petit sac de jute contenant sa
réserve de soufre et appelé musette à
soufrer.
On continua à
utiliser les soufrettes pour traiter la vigne en bourgeons,
mais le second soufrage fut pratiqué à l'aide
d'un appareil beaucoup plus gros, appelé
généralement Torpille, nom que lui avait
donné le fabricant Vermorel. Un peu plus tard,
vinrent des soufreuses encore plus perfectionnées,
les Procall.
Le mildiou est
apparu pour la première fois en France en 1878. Comme
l'oïdium, il nous vient d'Amérique et est
transmis par un champignon, le Plasmophora viticola (ou le
Peronospora viticola), qui attaque tous les organes verts de
la vigne. Sur les grappes, avant la floraison, il provoque
la coulure : les pédoncules noircissent et se
dessèchent, les fleurs avortent et tombent S'il
attaque les jeunes grains il provoque des efflorescences
d'un blanc grisâtre, et porte alors le nom de
rot-gris. Si les grains sont plus gros, ils prennent une
teinte brune et l'on parle de rot-brun.
Contrairement à
l'oïdium, qui se développe sur
l'extérieur de la vigne en la recouvrant de
mycélium, le mildiou vit à l'intérieur
des tissus de la plante. Il a donc fallu trouver un autre
traitement, en l'occurrence le sulfate de cuivre : mais
celui-ci, employé seul, brûlerait les feuilles
de la vigne. Pour neutraliser son acidité ou la
diminuer, on l'a mélangé avec une base,
généralement de la chaux ou du carbonate de
soude, de façon à former une sorte de bouillie
: la bouillie bordelaise est un mélange de sulfate de
cuivre, de chaux grasse et d'eau ; la bouillie bourguignonne
remplace la chaux par du carbonate de soude.
Une fois la bouillie
préparée, il faut l'utiliser tout de suite,
car elle ne se conserve pas. Voilà pourquoi la
préparation se faisait dans la vigne même, ce
qui supposait soit la présence d'une citerne à
proximité, soit le transport de comportes pleines
d'eau qui permettaient de fabriquer la bouillie pour une
journée. La plus ancienne méthode
utilisée pour répandre le produit sur la vigne
consistait à utiliser une poignée de
brindilles de chêne (el ramàs)
trempées dans un seau de bouillie porté sur le
bras. Il était évidemment plus efficace et
plus rapide de répandre la bouillie sous forme d'un
nuage de fines poussières à l'aide d'un
pulvérisateur, et très vite chacun s'est
doté de ce genre d'appareil. On distingue les
pulvérisateurs à petit travail (portés
à dos d'homme), les pulvérisateurs à
bât et les pulvérisateurs à
traction.
Trois traitements au moins
sont nécessaires : le premier lorsque les pousses ont
atteint 10 à 15 cm, le second aussitôt
après la floraison, et le troisième au
commencement de la véraison. On peut aussi sulfater
une quatrième fois au mois d'août, ce qui
permet de conserver les feuilles jusqu'au bout pour
favoriser un bon mûrissement. Si la saison est humide,
il faut sulfater presque chaque semaine, et l'on peut
arriver au total de sept ou huit sulfatages dans
l'année.
Chaque viticulteur se
faisait une fierté de préparer une bouillie
d'un beau bleu intense, les teintes vert-de-gris
étant jugées comme une preuve de maladresse ;
le sulfate de cuivre en cristaux donnait paraît-il un
plus joli bleu que le "cuivre-neige". Certains utilisaient
parfois d'autres préparations, telle la poudre
Chefdebien élaborée à Prades,
mélange de stéarite et de cuivre
répandu à l'aide d'une torpille. Mais les
qualités de ce produit étaient discutables,
certains allant même jusqu'à dire qu'il
favorisait la propagation du mildiou au lieu de le combattre
: la vérité, c'est que les viticulteurs
n'avaient confiance qu'en leur propre bouillie et aux petits
secrets de fabrication qu'ils étaient fiers d'avoir
découverts.
De nos jours, on n'en est
plus là, et l'on fait généralement
confiance aux produits élaborés en
laboratoire, par exemple les systémiques qui offrent
l'avantage de faire pénétrer le produit dans
la sève, où son action sera beaucoup plus
efficace contre ce type de parasite.
Le sulfatage permet de
lutter contre d'autres maladies du vignoble, elles aussi
d'origine américaine : le black-rot, constaté
pour la première fois en France en 1885, ainsi que le
rot blanc. Soufre ou sels de cuivre sont également
nécessaires pour combattre le pourridié et la
pourriture grise (due au Botrytis cinerea).
S'il faut préserver
la vigne de tous ces champignons, il faut aussi la
protéger des insectes : l'altise ou puce de la vigne,
les charançons, la pyrale et la cochylis, ainsi que
le vespère de Xatard.
La pyrale de la
vigne est un papillon ne dépassant pas deux
centimètres d'envergure : le cycle de ce
lépidoptère commence en août, lorsque
les femelles pondent des myriades d'œufs qui donneront
naissance deux semaines plus tard à de toutes petites
chenilles (1 à 2 mm de long). A cette
époque-là, les chenilles ne mangent pas :
elles vont s'abriter dans les diverses crevasses du cep,
où elles filent de petits cocons grisâtres qui
leur permettront de résister aux froids de l'hiver.
C'est au printemps qu'elles sortent de leur
léthargie, commençant à manger les
feuilles et tissant un entrecroisement de fils de soie qui
entravent la végétation. Divers moyens de
lutte ont été envisagés : destruction
des papillons, nocturnes, à l'aide de pièges
lumineux tels que lampes à acétylène ;
écorçage des ceps avec des brosses
métalliques ; badigeonnages insecticides ; clochage,
ou sulfurisation, pour détruire les larves en les
plaçant pendant un certain temps dans du gaz
sulfureux ; ou encore l'échaudage,
procédé imaginé en 1840 par Raclet, un
vigneron bourguignon, qui consiste à détruire
les larves de pyrale avec de l'eau bouillante versée
sur les souches : l'eau bouillante est produite dans des
chaudières et distribuée sur les souches
à l'aide de cafetières, ou par un tube en
caoutchouc relié directement à la
chaudière.
La cochylis, ou
teigne de la grappe, appartient à la famille des
tordeuses, dont les chenilles enveloppent les feuilles ou
les jeunes fleurs ou fruits de faisceaux de fils de soie
sous lesquels elles trouvent à la fois protection et
nourriture. Comme la pyrale, le papillon est nocturne, et
les traitements sont assez semblables, sauf que
l'échaudage est ici peu efficace : très
tôt on lui a préféré l'usage du
pulvérisateur ou de la soufreuse.
Parmi les autres
lépidoptères attaquant la vigne, il faut citer
l'eudémis, papillon proche de la cochylis et combattu
par les mêmes moyens, ainsi que les noctuelles.
Précisons cependant que ces divers insectes,
même la pyrale et la cochylis, n'ont jamais
été trop redoutés par les viticulteurs
du département, qui ont surtout eu affaire au
vespère de Xatard. C'est un insecte d'environ deux
centimètres de long, ressemblant un peu au
capricorne. La femelle pond de 200 à 400 oeufs sous
l'écorce des ceps. Au printemps, il en sort de
grosses larves qui s'enfoncent sous le sol et mangent les
racines, produisant des dégâts parfois
considérables. On a combattu l'insecte par des
injections de sulfure de carbone dans le sol, en creusant
une petite cuvette autour du cep. Le vespère de
Xatard a une préférence marquée pour
les jeunes vignes, d'où le nom de ruega
mallols qui lui avait été attribué
en Roussillon.
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Soufreuse
"la Torpille" de Vermorel, utilisée vers la
Saint-Jean

Pulvérisateur
Vermorel
(traitement
contre le mildiou)

Préparation
de la bouillie bordelaise à Corbère

Chaudière
Vermorel
(ébouillantage
des ceps pour combattre la pyrale)

Gant
Sabaté pour écorcer les ceps
(lutte
contre la pyrale)
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