Les noms de famille dans les P-O :

ce qu'il faut savoir

Les lignes qui suivent ne sont pas exhaustives, mais constituent une simple introduction. Elles s'adressent surtout à un public de non-spécialistes, et pour cela les sons ne sont pas exprimés en alphabet phonétique.

 

  • 1) Prononciation et graphie.

    Quelques particularités à noter, peu nombreuses mais essentielles :

  • la lettre X correspond au son CH (Xatard = Chatard). A l'intérieur du mot, en position intervocalique, elle est précédée d'un I (Baixas = Bachas).
  • la lettre G en position finale, précédée d'un I, correspond au son TCH (Roig = Rotch).
  • le groupe NY en position finale correspond à un N mouillé (Alemany = Alémagn).
  • le groupe TLL correspond à un L mouillé (Batlle = Baglie). Il en est de même pour le groupe LL, que l'on trouve souvent en début de mot (Llop = Liop).
  • la lettre V se prononce pratiquement comme un B (Valls = Baills), surtout en Roussillon.

    2) Particularités roussillonnaises.

    Il faur savoir que le roussillonnais possède très peu de sons-voyelles. C'est en particulier le cas pour les voyelles non accentuées (sur lesquelles ne porte pas l'accent tonique), qui ne sont que trois : E sourd (ou muet), I, OU. D'où, entre autres, les conséquences suivantes :

  • La finale -OR se prononce OU (Tixador = Tichadou), et s'écrit parfois ainsi dans les noms de famille. D'une façon plus générale, le O a tendance à se prononcer OU devant de nombreuses consonnes, et à s'écrire de cette façon (Bourrat, Bousquet etc...).
  • Le È en début de mot se transforme fréquemment en A (Benet > Banet). Mais ce A se prononce comme un E muet.
  • Le A final s'assourdit en E (Roca > Roque, Casanova > Casenove).
  • Notons aussi que, suite à la prononciation du V signalée plus haut, cette lettre se transforme souvent en B dans les noms de famille ( Vergés > Bergés).

    3) Différences entre la formation des noms catalans et des noms français.

    Il n'y en a pratiquement aucune. Le schéma adopté est le même dans les deux langues. Quelques points méritent cependant d'être soulignés :

    a. On utilise très rarement l'article devant un nom de métier, de lieu ou un surnom. Là où le français crée le nom Leblanc, le catalan dit simplement Blanc. De même on aura les équivalences suivantes :

    Dubois = Bosc ; Lefèvre = Fabre ; Legros = Gros.

    b. Par contre, il existe quelques articles propres au catalan, et souvent archaïques. C'est en particulier le cas de SA (< latin ipsa), encore employé dans quelques provinces catalanes, et qu'il faut considérer comme un article défini correspondant à LA (Safont, Sacaze). Autre article, EN (NA au féminin et N' devant voyelle), qui est un article de courtoisie, un peu l'équivalent du DON espagnol.

    c. Beaucoup de noms sont suivis d'un S, notamment ceux qui sont formés sur des toponymes (Valls, Comes), sur des noms d'arbres (Nogués, Figueres), sur des noms d'objets ou de matières (Farines). Les linguistes ont beaucoup discuté sur ce S. Certains y ont vu l'équivalent du génitif latin, d'autres un pluriel d'appartenance, semblable au I italien. Pour ma part, je serais assez tenté par le génitif, car, contrairement à l'italien, ce S n'est jamais appliqué aux noms de baptême. Il équivaut en fait à la préposition française DE :

    Valls = de la vallée ; Noguès = du noyer ; Iglesis = de l'église.

    d. Le Y final, s'il se justifie phonétiquement dans les mots en -ANY ou -ENY, n'a apparemment aucune raison d'être là où la voyelle I suffit. Pourtant, c'est une constante roussillonnaise que d'avoir, dans la graphie des noms de famille, presque toujours remplacé le I par un Y. Ainsi, dans mon recensement, on trouve 31 Moly contre 2 Moli, 483 Marty contre 160 Marti, 135 Maury contre 0 Mauri.

    e. Un phénomène du même type se produit avec le C final, auquel on a ajouté un H qui lui non plus n'a pas de justification phonétique, sinon celle de montrer qu'on n'a pas affaire à un Ç. On trouve ainsi 192 Bosch contre 35 Bosc, 70 Dunyach contre 0 Dunyac.

    4) La francisation des noms.

    En 1659, le Roussillon est annexé à la France. Au fil des années, on verra peu à peu beaucoup de noms de famille catalans se franciser, de façon plus ou moins heureuse. C'est vrai notamment pour ceux qui correspondent à des prénoms, surtout lorsque les formes française et catalane sont à peu près identiques. Ainsi, la plupart des Bertran ou Beltran vont en quelques décennies se transformer en Bertrand. Et même les Ricart ou Ricard deviendront des Richard.

    Le phénomène ne fait que s'accentuer après la Révolution, et se poursuit tout au long du XIXe siècle. Un exemple assez significatif : à Prades et dans les villages voisins, existait une famille Lacreu, qui était l'une des plus riches du coin. En un siècle ou deux, les Lacreu sont pratiquement tous devenus des Lacroix. Seule la branche pauvre de la famille a conservé son nom catalan ! On en arrive même parfois à des aberrations. Ainsi les Conte se transforment en Comte, jusque là rien à dire, mais aussi en Compte, par erreur d'étymologie.

    5) Le rôle des frontières et des migrations.

    a. Les frontières

    Deux dates à retenir, essentielles pour le département des P-O.

    D'abord 1258, et le traité de Corbeil : le roi de France renonce à sa suzeraineté sur les terres catalanes, tandis que le roi d'Aragon abandonne tout esprit de conquête au-delà d'une frontière qui, passant à l'intérieur de l'actuel département, va se transformer en frontière linguistique entre la langue occitane, parlée en Fenouillèdes, et la langue catalane, parlée en Roussillon.

    Puis 1659, et le traité des Pyrénées qui rattache le Roussillon à la France. La frontière politique disparaît, mais la frontière linguistique demeure.

    Bref, parmi les nombreux noms de famille de forme voisine, certains sont catalans, d'autres occitans. Par exemple, pour les noms de métier, le suffixe -ER est catalan, tandis que -IER est occitan : Blanquer / Blanquier, Forner / Fournier. On connaît aussi la différence entre les Puig catalans et les Pech occitans, les deux noms ayant exactement la même origine (latin podium). Ceci dit, les gens s'étant mélangés malgré les frontières, et beaucoup de noms de famille s'étant fixés suffisamment tôt, le phénomène n'a joué qu'un rôle mineur, et l'on peut dire que, bien souvent, les noms catalans du Roussillon sont plus proches des noms occitans que de ceux de Catalogne du sud.

    b. Les migrations.

    Très nombreuses au fil des siècles, il serait trop long de les énumérer ici. On se contentera d'évoquer le phénomène le plus évident et le plus frappant : l'immigration espagnole. Celle-ci a toujours existé, mais on peut dire qu'elle devient un phénomène essentiel dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il s'agit d'acquérir, dès cette époque, une main d'oeuvre docile et moins coûteuse. Les Espagnols viennent travailler dans les industries (par exemple l'industrie bouchonnière), et bien sûr dans les vignes.

    En 1939, ce n'est plus de migration mais d'exode qu'il convient de parler. Les républicains fuyant le franquisme arrivent en Roussillon par dizaines de milliers. Pour la majeure partie d'entre eux, ils sont catalans, ce qui va entraîner une sorte de recatalanisation de certains noms, par exemple avec présence du A final (Roca, Costa).

    Nouvelle et très forte immigration espagnole pendant les "trente glorieuses", années de prospérité qui correspondent à l'essor de l'arboriculture dans notre département (essentiellement la culture du pêcher). Cette fois-ci, beaucoup de migrants viennent du sud de l'Espagne, notamment d'Andalousie. C'est à cette dernière immigration que correspond la véritable envolée des noms comme Garcia, Lopez, Sanchez etc... Précisons aussi pour mémoire que beaucoup de rapatriés d'Algérie, notamment ceux venus de l'Oranais, portent des noms espagnols.

    Bien sûr, il existe d'autres migrations, la plus évidente étant la "migration française", qui fait que des milliers d'habitants du département portent tout simplement des noms français (ou d'autres origines étrangères). Il convient enfin d'évoquer une assez importante population d'origine arabe ou berbère, venue d'Afrique du Nord, ainsi qu'une immigration portugaise non négligeable. Tout cela enrichit considérablement la liste des noms de famille portés dans le département, même si, inversement, on assiste à la mort de nombreux noms catalans présents depuis des siècles dans les villages, mais victimes de l'exode économique qui a forcé de nombreux Catalans à partir travailler ailleurs que dans les P-O.

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