ce qu'il faut savoir |
Les
lignes qui suivent ne sont pas exhaustives, mais constituent
une simple introduction. Elles s'adressent surtout à
un public de non-spécialistes, et pour cela les sons
ne sont pas exprimés en alphabet
phonétique.
Quelques
particularités à noter, peu nombreuses mais
essentielles : 2)
Particularités roussillonnaises. Il faur savoir que le
roussillonnais possède très peu de
sons-voyelles. C'est en particulier le cas pour les
voyelles non accentuées (sur lesquelles ne porte
pas l'accent tonique), qui ne sont que trois : E sourd
(ou muet), I, OU. D'où, entre autres, les
conséquences suivantes : 3)
Différences entre la formation des noms catalans
et des noms français. Il n'y en a
pratiquement aucune. Le schéma adopté est
le même dans les deux langues. Quelques points
méritent cependant d'être soulignés
: a. On utilise
très rarement l'article devant un nom de
métier, de lieu ou un surnom. Là où
le français crée le nom Leblanc, le catalan
dit simplement Blanc. De même on aura les
équivalences suivantes : Dubois = Bosc ;
Lefèvre = Fabre ; Legros = Gros. b. Par contre, il
existe quelques articles propres au catalan, et souvent
archaïques. C'est en particulier le cas de SA (<
latin ipsa), encore employé dans quelques
provinces catalanes, et qu'il faut considérer
comme un article défini correspondant à LA
(Safont, Sacaze). Autre article, EN (NA au féminin
et N' devant voyelle), qui est un article de courtoisie,
un peu l'équivalent du DON espagnol. c. Beaucoup de noms
sont suivis d'un S, notamment ceux qui sont formés
sur des toponymes (Valls, Comes), sur des noms d'arbres
(Nogués, Figueres), sur des noms d'objets ou de
matières (Farines). Les linguistes ont beaucoup
discuté sur ce S. Certains y ont vu
l'équivalent du génitif latin, d'autres un
pluriel d'appartenance, semblable au I italien. Pour ma
part, je serais assez tenté par le génitif,
car, contrairement à l'italien, ce S n'est jamais
appliqué aux noms de baptême. Il
équivaut en fait à la préposition
française DE : Valls = de la
vallée ; Noguès = du noyer ; Iglesis = de
l'église. d. Le Y final, s'il se
justifie phonétiquement dans les mots en -ANY ou
-ENY, n'a apparemment aucune raison d'être
là où la voyelle I suffit. Pourtant, c'est
une constante roussillonnaise que d'avoir, dans la
graphie des noms de famille, presque toujours
remplacé le I par un Y. Ainsi, dans mon
recensement, on trouve 31 Moly contre 2 Moli, 483 Marty
contre 160 Marti, 135 Maury contre 0 Mauri. e. Un
phénomène du même type se produit
avec le C final, auquel on a ajouté un H qui lui
non plus n'a pas de justification phonétique,
sinon celle de montrer qu'on n'a pas affaire à un
Ç. On trouve ainsi 192 Bosch contre 35 Bosc, 70
Dunyach contre 0 Dunyac. 4) La francisation
des noms. En 1659, le Roussillon
est annexé à la France. Au fil des
années, on verra peu à peu beaucoup de noms
de famille catalans se franciser, de façon plus ou
moins heureuse. C'est vrai notamment pour ceux qui
correspondent à des prénoms, surtout
lorsque les formes française et catalane sont
à peu près identiques. Ainsi, la plupart
des Bertran ou Beltran vont en quelques décennies
se transformer en Bertrand. Et même les Ricart ou
Ricard deviendront des Richard. Le
phénomène ne fait que s'accentuer
après la Révolution, et se poursuit tout au
long du XIXe siècle. Un exemple assez significatif
: à Prades et dans les villages voisins, existait
une famille Lacreu, qui était l'une des plus
riches du coin. En un siècle ou deux, les Lacreu
sont pratiquement tous devenus des Lacroix. Seule la
branche pauvre de la famille a conservé son nom
catalan ! On en arrive même parfois à des
aberrations. Ainsi les Conte se transforment en Comte,
jusque là rien à dire, mais aussi en
Compte, par erreur d'étymologie. 5) Le rôle des
frontières et des migrations. a. Les
frontières Deux dates à
retenir, essentielles pour le département des P-O.
D'abord 1258, et le
traité de Corbeil : le roi de France renonce
à sa suzeraineté sur les terres catalanes,
tandis que le roi d'Aragon abandonne tout esprit de
conquête au-delà d'une frontière qui,
passant à l'intérieur de l'actuel
département, va se transformer en frontière
linguistique entre la langue occitane, parlée en
Fenouillèdes, et la langue catalane, parlée
en Roussillon. Puis 1659, et le
traité des Pyrénées qui rattache le
Roussillon à la France. La frontière
politique disparaît, mais la frontière
linguistique demeure. Bref, parmi les
nombreux noms de famille de forme voisine, certains sont
catalans, d'autres occitans. Par exemple, pour les noms
de métier, le suffixe -ER est catalan, tandis que
-IER est occitan : Blanquer / Blanquier, Forner /
Fournier. On connaît aussi la différence
entre les Puig catalans et les Pech occitans, les deux
noms ayant exactement la même origine (latin
podium). Ceci dit, les gens s'étant
mélangés malgré les
frontières, et beaucoup de noms de famille
s'étant fixés suffisamment tôt, le
phénomène n'a joué qu'un rôle
mineur, et l'on peut dire que, bien souvent, les noms
catalans du Roussillon sont plus proches des noms
occitans que de ceux de Catalogne du sud. b. Les
migrations. Très nombreuses
au fil des siècles, il serait trop long de les
énumérer ici. On se contentera
d'évoquer le phénomène le plus
évident et le plus frappant : l'immigration
espagnole. Celle-ci a toujours existé, mais on
peut dire qu'elle devient un phénomène
essentiel dans la seconde moitié du XIXe
siècle. Il s'agit d'acquérir, dès
cette époque, une main d'oeuvre docile et moins
coûteuse. Les Espagnols viennent travailler dans
les industries (par exemple l'industrie
bouchonnière), et bien sûr dans les
vignes. En 1939, ce n'est plus
de migration mais d'exode qu'il convient de parler. Les
républicains fuyant le franquisme arrivent en
Roussillon par dizaines de milliers. Pour la majeure
partie d'entre eux, ils sont catalans, ce qui va
entraîner une sorte de recatalanisation de certains
noms, par exemple avec présence du A final (Roca,
Costa). Nouvelle et très
forte immigration espagnole pendant les "trente
glorieuses", années de prospérité
qui correspondent à l'essor de l'arboriculture
dans notre département (essentiellement la culture
du pêcher). Cette fois-ci, beaucoup de migrants
viennent du sud de l'Espagne, notamment d'Andalousie.
C'est à cette dernière immigration que
correspond la véritable envolée des noms
comme Garcia, Lopez, Sanchez etc... Précisons
aussi pour mémoire que beaucoup de
rapatriés d'Algérie, notamment ceux venus
de l'Oranais, portent des noms espagnols. Bien sûr, il
existe d'autres migrations, la plus évidente
étant la "migration française", qui fait
que des milliers d'habitants du département
portent tout simplement des noms français (ou
d'autres origines étrangères). Il convient
enfin d'évoquer une assez importante population
d'origine arabe ou berbère, venue d'Afrique du
Nord, ainsi qu'une immigration portugaise non
négligeable. Tout cela enrichit
considérablement la liste des noms de famille
portés dans le département, même si,
inversement, on assiste à la mort de nombreux noms
catalans présents depuis des siècles dans
les villages, mais victimes de l'exode économique
qui a forcé de nombreux Catalans à partir
travailler ailleurs que dans les P-O.