Bref
aperçu historique
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L'une des
caractéristiques du village est l'éloignement
entre le château et l'agglomération d'une part,
et son ancienne église dédiée à
la Vierge d'autre part. Il est probable que la
première population se soit fixée d'abord
auprès de cette église (ou du moins de celle
qui l'a sans doute précédée), ce qui
semble confirmé par la présence de vestiges
d'habitat préhistorique et historique à
proximité de celle-ci. Par la suite, la construction
d'un château sur une petite éminence a
entraîné la population à venir se
protéger à l'abri de ses remparts, un
phénomène bien connu pour de nombreux autres
villages.
Le château de
Montalba
Le château est
mentionné pour la première fois en 1118 :
cette année-là, le 16 octobre, Bernat
Berenguer de Perapertusa prête serment de
fidélité au comte de Barcelone pour le
château de Montalba et toutes ses fortifications, dont
il s'engage à améliorer l'état. Le
même serment est renouvelé en 1130 par son fils
Berenguer. À cette époque, Montalba fait
normalement partie du domaine des comtes de Barcelone, dont
le suzerain est le roi de France. Ce n'est qu'en 1258
(traité de Corbeil) que sera officialisée la
rupture entre la France et la Catalogne, et que Montalba
deviendra un village-frontière, dont le rôle
stratégique fut sans doute essentiel, même si
nous n'avons que peu de renseignements à ce
sujet.
Malgré ces importants
changements, la seigneurie de Montalba continue d'appartenir
à la famille des Perapertusa : entre 1325 et 1366, le
seigneur est Seguier de Perapertusa ; entre 1366 et 1386
c'est son fils Antoine qui assure la succession. Mais
Antoine ne laisse en mourant qu'une fille unique, qui
épouse Roger Çanespleda, seigneur des Fonts
(près de Calce), auquel elle apporte en dot la
seigneurie de Montalba.
Par la suite, il semble que
la seigneurie soit passée entre les mains d'une
famille appelée De Gleu, dont le nom sera par la
suite francisé en De Gléon : Aymery de
Gléon en 1479, Jean de Gléon en 1494, Henry de
Gléon en 1674 (cette famille possédait
notamment la seigneurie de Durban, près de Narbonne,
où existe d'ailleurs le château de
Gléon). Cependant, il faudrait être sûr
que la seigneurie de Montalba mentionnée parmi les
fiefs des Gléon corresponde bien à notre
Montalba-le-Château.
En effet, alors qu'en 1730
les Gléon seraient toujours "seigneurs de Montalba",
nous apprenons que le village qui nous intéresse
appartient à un tout autre personnage, Jean Chamayou,
originaire de Saint-Pons. Il a acquis la seigneurie le 7
octobre 1725, date à laquelle elle lui a
été vendue par un nommé Pierre Rouger,
habitant à Paris,"seigneur de Manisières,
Tassou, Montalba et autres lieux". L'acte fut passé
devant Me Maurel, notaire à Saint-Pons.
Il s'agit bien d'un acte de
vente de toute la seigneurie, puisque cette vente comprend
:
- - un château
couvert de tuiles, avec cour, basse-cour et autres
bâtiments en dépendant.
- - la haute, moyenne et
basse justice, les divers droits, cens, devoirs, lods et
ventes.
- - un moulin
banal.
- - le droit d'agrier sur
les productions du terroir, ainsi que les droits de
fouage.
- - la nomination des
consuls.
- - Un important domaine
terrien formé de terres labourables, prés,
bois, vignes, prairies, ainsi qu'une grande
bergerie.
Grâce aux registres
paroissiaux notamment, la trace des Chamayou est plus facile
à suivre : en 1739, la femme de Jean meurt à
l'âge de 82 ans (son corps "fut enseveli dans
l'église de Montalba proche de la porte en dessous du
bénitier"). Quant à Jean, il s'éteint
en 1750, à l'âge de 84 ans. Sa succession
semble avoir posé quelques problèmes entre ses
fils. Mais en 1753, Philippe de Chamayou est le nouveau
seigneur ; il est marié depuis 1751 à
Thérèse Pallarès (fille d'Etienne
Pallarès, bourgeois-noble).
Les Chamayou ne semblent pas
avoir été inquiétés à la
Révolution. Les actes d'état-civil mentionnent
leur présence au moins jusqu'en 1808. En fait, il ne
reste apparemment qu'un membre de la famille, Jean-Pierre
Chamayou-Montalba, prêtre et donc célibataire,
qui vend le château et son domaine à Jean
Sire-Poubill, le 5 décembre 1811 (acte passé
devant Me Trullès, notaire à Ille).
L'histoire contemporaine ne
m'est pas connue avec précision (mais elle est facile
à trouver). Autant que je m'en souvienne, les
Sire-Pubill finiront par quitter le château, qui,
tombant en ruine, sera acquis par la commune. Celle-ci
commettra la "bévue" de le vendre à un
particulier pour une bouchée de pain. Certes, ce
particulier a plutôt bien restauré les lieux,
mais la commune a perdu une belle occasion de valoriser
elle-même son patrimoine.
Montalba,
village-frontière
Rappelons trois dates
essentielles :
- - 1258 : traité
de Corbeil. Ce traité trace la frontière
entre le royaume de France (auquel appartient Montalba)
et celui d'Aragon (auquel appartient Ille).
- - 1659 : traité
des Pyrénées. Le Roussillon est
rattaché à la France. Cependant la
frontière de 1258 continue de jouer un rôle
important, car elle sépare deux provinces : le
Roussillon et le Languedoc, dont les statuts ne sont pas
les mêmes, et entre lesquels les marchandises ne
peuvent circuler librement.
- - 1790 : création
des départements. C'est à partir de cette
date que la frontière disparaît vraiment.
Lors de la création des cantons, Montalba fait
partie du canton de Latour-de-France. Ce n'est qu'en 1936
que la commune sera rattachée au canton
d'Ille.
Son rôle de village
frontalier a valu à Montalba de connaître de
nombreux désagréments, avec une
présence militaire sans doute bien encombrante, et
des mouvements de troupes de part et d'autre de la
frontière. En 1364 ce sont les "routiers", soldats
mercenaires engagés par Du Guesclin mais très
vite livrés à eux-mêmes, qui mettent
à sac la contrée. Basés à
Ropidera, ils prennent Montalba par la force et
rançonnent les habitants. Ils font de même
à Tarerach, et lancent des incursions vers les
villages du Bas-Conflent.
Puis, pendant trois
siècles, ce sont d'incessants raids menés
depuis Montalba vers la Catalogne ou inversement. Par
exemple, en 1617, des cultivateurs d'Ille travaillant dans
leurs propriétés sont assaillis par un
détachement français et emmenés captifs
à Montalba.
Tout se calme avec le
traité des Pyrénées. Par la suite, il
faut cependant mentionner les événements de
l'été 1793, lorsque les Espagnols envahirent
le département. Montalba semble avoir joué un
rôle stratégique important dans le
conflit.
Si aujourd'hui la
frontière n'est plus qu'un souvenir, elle demeure
importante au niveau linguistique : d'un côté
le catalan, de l'autre l'occitan, avec de nombreux points
communs mais aussi d'énormes différences.
Rappelons aussi que, même si le
phénomène est en voie d'extinction, pour le
Catalan, l'habitant de Montalba est un "gavatx", avec tout
l'aspect péjoratif lié à ce
terme.
Population et
ressources
Au XVIIIe siècle, le
village compte 235 habitants (1750). On y produit
essentiellement des grains (dont la quantité est
insuffisante pour nourrir la population) et du vin. Certains
habitants trouvent un complément de ressources dans
la contrebande du sel, puis du tabac, Montalba étant
situé sur une route secondaire de ce
trafic.
A partir du XVIIIe
siècle, jusqu'au milieu du XIXe, la population
croît sensiblement : en l'an XIII, elle atteint 370
habitants. Un recensement de 1818 cite même le chiffre
de 905 habitants, qui paraît toutefois bien excessif.
D'ailleurs, par la suite, on est revenu à des
chiffres plus normaux : 455 habitants en 1834, 417 en 1861.
En 1891 on tombe à 317 habitants, puis 260 en 1926,
224 en 1954, 203 en 1968, 156 en 1975, 121 en 1982, 111 en
1990. Autant dire que l'exode rural a été
considérable, favorisé par la proximité
d'Ille et accéléré par les
difficultés de la viticulture (phylloxéra et
mildiou à la fin du XIXe siècle, effondrement
des prix au début du XXe siècle).
La vigne fut en effet
toujours la principale ressource de Montalba. Une
enquête menée en 1802 sur l'agriculture de
chaque commune nous le confirme. Dès cette date, on
trouve à Montalba 300 séterées de
vigne, contre 70 plantées en seigle, le blé
étant quasiment inexistant (la séterée
utilisée à Montalba équivaut à
1024 cannes carrées, soit environ 41 ares, ce qui
donne donc 123 hectares de vigne et 21,7 de seigle). Encore
faut-il ajouter que seules 35 séterées de
seigle sont cultivées chaque année (assolement
biennal). Détail curieux : selon le maire, 100
séterées seraient laissées en
jachère, car "elles ne se plantent que tous les dix
ans".
Autre ressource importante,
l'élevage. A la même époque, on compte
47 bovins (utilisés surtout pour les travaux des
champs), 60 porcs, 300 chèvres et 1500 ovins.
Malgré les difficultés diverse dues à
des conflits sur l'utilisation des vacants, le nombre de
têtes a encore augmenté au milieu du
siècle, puisqu'en 1861, le registre des droits de
pâture recense en tout 2352 bêtes, ovins et
caprins confondus.
Mais le même registre
nous indique que seuls trois ou quatre propriétaires
ont des troupeaux supérieurs à 300 têtes
(Sire-Llech, Sire-Poubill, Pugnaud). Les autres se
contentent du minimum, et les chèvres sont l'apanage
des pauvres.
Une telle situation ne
pouvait effectivement que conduire à un exode massif.
On notera cependant que l'élevage renaît
à Montalba, puisqu'une grande bergerie y a
été récemment construite.
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